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PRAXIS 74 . Travail social et psychanalyse.

De l'individu au sujet

De l’individu au sujet : Normaliser ou Déconstruire ?
Individu et sujet : si l’on regarde de plus près ces deux concepts, la psychanalyse comme praxis autoriserait un passage de l’un à l’autre. « L’individu, c’est la personne dont seul le comportement est pris en compte. C’est la personne considérée isolément et sans prendre en compte ce qu’elle a à raconter de son histoire singulière ». Individu vient d’indivis, c’est-à-dire d’une seule pièce, que l’on peut classer, catégoriser. L’individu, c’est n’importe qui : Indivisible, insécable,et interchangeable. L’individu est censé se maîtriser, s’adapter à son environnement, sauf s’il a des problèmes, s’il n’est pas normal, et présente des symptômes repérés, des comportements « a- normaux » susceptibles de troubler l’ordre. L’individu devient dès lors patient volontaire ou sous contrainte, et peut être pris en charge (souvent à défaut d’être pris en compte) afin de le rapprocher le plus possible d’une norme idéale, médiane et sociétale. Il s’agit là d’une visée réadaptative et orthopédique.
« Le sujet, c’est la personne à qui on s’adresse pour l’écouter sur ce qu’elle pense et surtout sur ce qu’elle ressent et ce qu’elle désire, et comment elle le met en relation avec sa conduite. Et cela est fonction de son histoire singulière ». Le sujet c’est d’abord celui qui dit «je», qui ose parler en son nom propre. C’est le sujet de l’inconscient, pris dans des mécanismes dont il ne détient pas les clés, car l’inconscient a ses raisons que la raison ne connaît pas. Le sujet ne peut être réduit ni à ce qu’il dit être, ni à la perception qu’il a de lui-même…Je est un autre … D’où l’énonciation freudienne que « le Moi n’est pas maître dans sa propre demeure », il n’est après tout que l’une des trois instances de la personnalité. Ainsi, sujet et individu ne sauraient être confondus. 
Le sujet renvoie à un processus par lequel il s’autorise à penser par lui-même son désir, l’individu est objet condamné à la normalisation contraignante. Il est objet d’une prise en charge (généreuse !) afin qu’il atteigne un certain niveau de conformité à l’aide de certaines thérapies – reproductrices de la domination - qui pourraient s’apparenter au dressage social. Le sujet est sujet de l’inconscient, sexué, divisé, problématique, pulsionnel, fantasmatique, insolite, étrange, énigmatique, confronté et assujetti à une pulsion qu’il ne maîtrise pas toujours.
 Si l’ « on »  se contente de ne considérer que les aspects comportementaux, la personne humaine est réduite à ses symptômes. Il sera dit « qu’elle pose problème », il sera proclamé que « quelque part, ça interpelle ». La personne ainsi étiquetée sera enfermée dans les habitus qui « l’agissent », dans ses symptômes, c'est-à-dire dans ses manifestations intempestives pouvant troubler l’ordre et la règle, il sera l’objet d’un diagnostic, enfermement dans une petite boite – très étroite -  parfois stigmatisante, et le plus souvent déterminante. Le sujet est celui qui accède à lui-même après un long travail; et celui qui - dans une relation d’aide et d’accompagnement - s’adresse durablement au sujet évitera autant que faire se peut les jugements normatifs et moralisateurs, autorisant ainsi la personne être elle-même, à se dégager peu à peu des situations de souffrance et des déterminismes qui enferment et entravent la liberté d’être. Ainsi, il peut y avoir cure ou thérapie à condition que dans cette même cure il y ait un sujet-analysant actif et acteur, et non un individu-patient passif, objet de professionnels aux visées rédemptrices, mais normalisatrices. 
Les thérapies analytiques se démarquent des thérapies aux visées normalisantes et normopathes. Elles respectent la personne humaine, qui parvient parfois à s’affranchir des déterminismes qui entravent sa marge de manœuvre, la considèrent comme sujet porteur de son historicité. Elles procèdent d’une salubre déconstruction, interrogation des conditions de possibilité de quelque chose quant à son fonctionnement interne, son existence, sa logique et ses limites. 
Déconstruire, c’est reconstruire la vérité du sujet, l’aider à reconstituer son histoire, c'est-à-dire accéder à un passé historicisé, restitution intelligible à sa trajectoire de vie personnelle. La déconstruction est aussi une accessibilité au sens, c’est-à-dire au savoir. Cette déconstruction fait l’effet-sujet.
Ces thérapies où le sujet est au centre autorisent l’appropriation par chacun de sa problématique et la possibilité parfois de passer outre, et de rendre, du coup, la vie avec l’autre possible. 
Serge DIDELET (octobre 2010).
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