A propos d'ACLIS 74

La création de cette association part d’une insatisfaction dans le lien social, pour reprendre le titre d’un livre de JP Hiltenbrand, insatisfaction vécue et relayée par les professionnels de la relation, et de la conviction que nous pouvons en tant qu’acteurs du lien social apporter des réponses à cette insatisfaction à condition de nous rassembler pour travailler à ces réponses .
D’où l’idée d’une association dont le but est de travailler à la prise en compte du sujet dans le lien social.
La création d’une association participe du désir de participer au débat public, de prendre position et de faire des propositions, de ne pas être dans la plainte et la critique stérile. Participer au débat veut dire également ouvrir un dialogue avec ceux qui n’ont pas forcément les mêmes opinions que nous.
Association pour une Clinique Freudienne du Lien Social : chaque terme est à définir.
Association : il s’agit de prendre position dans le débat public.
Pour une clinique : tout le monde connaît l’origine du mot clinique qui veut dire au pied du lit du malade.
Ce que nous entendons par clinique, c’est une attitude respectueuse du sujet pris dans des discours, des dispositifs, des institutions, attitude qui lui permet de se faire entendre. Il s’agit donc d’écouter ce qu’il a à nous dire.
Mais qu’est-ce que le sujet ? Ce n’est ni le lieu ni le moment d’entrer dans un débat philosophico-psychanalytique sur ce qu’est un sujet.
Cependant je voudrais citer A. Badiou[1] pour lancer le débat sur l’articulation entre le sujet tel que le conçoit la psychanalyse, le sujet du point de vue du philosophe et le sujet pris dans le politique et donc déterminé par des discours :

Les attaques contre la psychanalyse doivent être (…) comprises dans le cadre d’une crise (…) qui, si l’on veut la résumer, se caractérise par la tentation de remplacer le « sujet » par l’individu. Qu’est-ce que le sujet ? C’est l’être humain compris comme un réseau de capacités qui lui permettent de penser, créer, partager, agir collectivement, aller au-delà de ses singularités, ce qui est la condition de la liberté. Bien sûr le sujet est porté par l’individu (…) mais ne s’y réduit pas. Etre sujet c’est circuler entre la singularité et l’universalité, et c’est sur cet écart que la psychanalyse fonde son action : elle aide l’individu à devenir pleinement un sujet. En cela, c’est une discipline émancipatrice avant d’être thérapeutique. »
(…)
« Aujourd’hui, on nous dit qu’être un individu suffit largement. (…) Ce discours produit des individus malléables, soumis, enfermés, incapables d’actions communes : des individus privés de la capacité d’être sujet. » (Fin de citation)
C’est là qu’intervient la notion d’une clinique Freudienne : en effet, la psychanalyse s’intéresse au sujet dans ce qu’il a de plus singulier, de plus intime, mais également à ce qui le particularise et à ce qui le rend humain.
Et qui dit clinique freudienne, dit prise en compte du sujet divisé. Lacan a pu dire, dans une formule provocatrice, l’inconscient c’est le social. Le sujet est en effet divisé, pris dans ce réseau de relations, d’institutions, de discours, en grande partie à son insu, il est également travaillé par ce qui le singularise en dehors de tous ces réseaux.
Le lien social ce sont les discours dans lesquels est pris le sujet.
De tout cela découle assez logiquement le thème du colloque que nous souhaitons organiser en octobre 2014 : la demande.
En effet quelle est la demande du sujet, pris dans ces discours, lorsqu’il s’adresse à nous. Et en s’adressant à nous, à qui s’adresse-t-il réellement ?
Comment répondons-nous à cette demande et quelle est notre propre demande ?
Quel est le rôle des différentes institutions qui constituent le social ?
En prenant en compte le sujet, et non pas seulement l’individu nous sommes confrontés à ces questions.
C’est ainsi que nous pouvons promouvoir une clinique freudienne du sujet pris dans le lien social.
Pierre Hattermann